Selon l’Institut national de la santé publique (Insp), les stupéfiants sont facilement disponibles dans le milieu scolaire. Sur un échantillon de 6.230 élèves, âgés de 16 à 18 ans, 28% ont déclaré que les cigarettes sont faciles à obtenir et 12% se prononcent pour l’autorisation de vente des sédatifs et somnifères sans ordonnance.
De prime abord, la rentrée scolaire et universitaire 2024-2025 s’annonce sous de bons auspices. En témoigne l’effort gigantesque déployé par l’Etat, depuis déjà quelques semaines, dans le but d’assurer les meilleures conditions. Accélération des formalités d’inscription, lancement de travaux de rénovation et d’embellissement dans les établissements qui en ont besoin, édition et mise en vente de manuels en quantités suffisantes, distribution d’aides diverses aux familles nécessiteuses, mise en place des mécanismes liés aux abonnements scolaires et mobilisation des moyens de transport publics. Bref, rien ne semble avoir été laissé au hasard pour que le traditionnel retour aux classes s’opère dans la joie. Tout cela est beau, sauf que cette question lancinante demeure encore posée : les collèges et lycées seront-ils mieux sécurisés cette année ? Une interrogation inévitable, parce que d’actualité face au peu d’efficacité démontré, au cours des quinze dernières années, dans la lutte contre la drogue en milieu scolaire.
« Décidément, on ne sait plus à quel saint se vouer », s’inquiète Hajer Zakraoui, gérante d’un institut privé de formation en informatique, qui évoque un développement préoccupant de la circulation des stupéfiants dans les établissements scolaires. «J’ai toujours fait de mon mieux, assure-t-elle, pour protéger mon fils contre ce fléau qui ne cesse de se propager, d’où l’impératif de voir la police s’impliquer davantage pour espérer sinon l’éradiquer, du moins en atténuer l’ampleur».
Intercepter les dealers et les chasser
Sans aller jusqu’à parler de fatalité que seuls les pessimistes et les alarmistes peuvent exprimer, il faut reconnaître que ce phénomène fait de la résistance. En effet, selon l’Institut national de la santé publique (INSP), les stupéfiants sont facilement disponibles dans le milieu scolaire.
Sur un échantillon de 6.230 élèves, âgés de 16 à 18 ans, 28% ont déclaré que les cigarettes sont faciles à obtenir et 12% se prononcent pour l’autorisation de vente sans ordonnance des sédatifs et somnifères.
Dans le même contexte, il faut rappeler que les résultats de l’enquête nationale sur «la consommation des drogues et les addictions chez les élèves ont démontré que 16,3% des élèves pensent qu’il n’est pas difficile de se procurer du cannabis dans l’environnement scolaire».
La démission des parents
L’on sait qu’outre le silence complice de certains parents et le très faible effet dissuasif d’autres, ce trafic lucratif a essaimé à cause des stratagèmes diaboliques mis en place par les dealers. Ceux-ci, jamais en panne d’idées, ne se contentent plus d’écouler la marchandise devant les lycées, mais tout autour et particulièrement dans les quartiers situés plus loin. Là où le consommateur en herbe s’amène incognito, dans un coin de rue, pour s’approvisionner en dose auprès d’un dealer encapuchonné, affichant un profil bas. Tout se passe en deux temps trois mouvements.
Selon des sources sécuritaires concordantes, « c’est justement cette tactique rusée qui nous donne du fil à retordre, étant donné la taille du champ de manœuvre». Et si les mêmes sources reconnaissent la réalité de la prolifération de ce fléau, elles se disent «persuadées que pour l’endiguer, l’effort des forces de l’ordre ne suffit pas, car nous avons impérativement besoin du concours des parents et du corps enseignant.»
Aux ministères de l’Education, de la Santé, de la Jeunesse et des Sports et de la Femme, ce n’est pourtant pas faute d’avoir essayé.
Ces départements, en tant qu’acteurs principaux dans le combat pour contrecarrer la prolifération de la drogue dans le milieu scolaire, ont, en effet, intensifié les campagnes de sensibilisation médiatiques, les séminaires et les études, sans compter la contribution des composantes de la société civile. Questions : existe-t-il suffisamment de coordination et de synchronisation entre ces différents partenaires ? Est-on encore conscient qu’il s’agit là d’une œuvre collective extrêmement sensible qu’on peut même élever au rang de « cause nationale»?
Du rôle de la sociologie
La sociologie a-t-elle un rôle à jouer dans la recherche de solutions salutaires ? Contacté par La Presse, le docteur en sociologie spécialisé dans le domaine psychosociologique, Ghosn El Mersni, soutient que « les sociologues du monde entier misent beaucoup dans les programmes de sensibilisation et d’éducation, sur les dangers de la drogue et sur ses répercussions sur la santé physique et mentale et les risques associés. Ces programmes doivent être adaptés à l’âge des élèves et inclure des informations objectives et factuelles. De même, il faut accroître la présence sécuritaire qui a son effet de dissuasion ». Evoquant les addictions, notre interlocuteur assure que « la psychologie sociale aborde cette problématique dans une approche non pathologique, étant donné qu’il y a trois types de consommateurs, à savoir l’expérimental, l’occasionnel et le consommateur régulier. Ce dernier représentant le niveau le plus dangereux de la dépendance psychique ».
Docteur El Mersni conclut en recommandant le traitement de ce phénomène à travers trois solutions. : «Premièrement, énumère-t-il, il faut comprendre les déterminants personnels et contextuels liés aux conduites déviantes et ses concepts connexes. Deuxièmement, il faut être en mesure de mener des recherches en matière de déviance scolaire, en se basant sur une méthodologie rigoureuse, transparente et applicable au contexte tunisien.
Troisièmement, il faut surveiller de près les comportements suspects à l’intérieur des lycées, tout en songeant à créer des services de soutien et d’accompagnement pour les élèves victimes de toxicomanie, ou susceptibles de le devenir ».